L'engraissage des oies (et des canards) est, au départ, un acte naturel de ces animaux. En effet, on observe que ces oiseeaux s'engraissent eux-même avant leurs migrations afin d'accumuler les réserves énergétiques nécessaires à ces longs vols.
On sait par des bas reliefs trouvés dans un des tombeaux de Saqqarah (2 500 avant - 5ème dynastie) que les Egyptiens, à l'époque des Pharaons, connaissaient et pratiquaient le gavage des oies. Des oies sont représentées mangeant des boulettes préparées par des serviteurs. Il n'y a rien dans les textes. D'autres représentations montrent des oies à la table des égyptiens, donc ils en mangeaient. Les juifs, dans leur diaspora, emportent probablement dans leur sortie d'Egypte le savoir faire sur l'élevage et, peut-être, le gavage des oies et répandent ce savoir faire dans tous leurs points de chute.
Les grecs leur donnaient une bouillie de blé. Pline l'Ancien en parle ainsi que Athénée dans son Banquet des savants.
Les romains aussi connaissaient le foie gras. L'empereur Héliogabale nourrissait ses chiens avec. Caton le Censeur (2ème sc avant) nous dit que les romains gavaient les oies avec une pâtée à base de figues séchées. Apicius donne une recette de gavage des oies à base de figues sous le nom de ficatum, mot dérivé de ficus qui signifie figue et qui passa du latin au français sous le nom de foie, gras ou pas. Il nous donne également une recette de foie gras : «Emincez le foie gras avec un roseau, faites le tremper avec du garum. Pilez du poivre, de la livèche et deux baies de laurier. Entourez d'une crépine, faites griller au gril et servez». En 52 avant, le consul Metellus Pius Scipio, beau-frère de Pompée, faisait gaver des oies dans l'obscurité avec des figues afin d'obtenir des foies gras. Le fois gras était également à l'honeur à la table de Néron. Donc les romains connaissaient le foie gras et l'introduisirent probablement dans tout leur empire mais la chute de l'empire fait régresser le foie gras durant un millénaire. Peu de textes en parle.
Notons que des éleveurs et des cuisiniers contemporains ont essayé de gaver des oies avec des figues ce qui donne des foies gras dont le goût est éloigné de nos critères gustatifs actuels.
M.L. Cazamayou, dans son livre « Célébration du foie gras », cite l'existence probable d'élevage d'oies et de canards en Aquitaine et d'une fête annuelle, au IVème sc, au moment de la migration, appelée « guit de Saint-Grat » (guit désignant le canard en Béarn) et cite également Alaric II qui faisait du foie gras son ordinaire. Son livre revèle aussi l'existence de sculptures du XIIe siècle représentant des troupeaux d'oies et de saignées de canard.
En Alsace, région d'élevage d'oies, la diaspora juive remonte au moyen âge mais peut-être que le foie gras y existait déjà (au XIVème sc et XVème sc existe une règlementation à Strasbourg et d'autres villes d'Alsace sur l'élevage des oies ordonnant un engraissement avec du bon grain - ce qui n'implique pas forcément un but d'obtention de foies gras).
Vers le milieu du XVe siècle apparaît le maïs en France, base du gavage actuel.
1564 : Charles Estienne et Jean Liebault (l'Agriculture et la Maison rustique) expliquent comment engraisser les oies pour faire grossir leur foies, probablement en se servant d'indications romaines anciennes.
On reparle du foie gras avec les cuisiniers italien Bartoloméo Scappi (1570) et allemand Marx Rumpolt (1581) qui disent se procurer d'énormes foies d'oies auprès des comunautés juives de Rome et de Bohême. Le foie gras est d'ailleurs cité plusieurs fois comme étant un produit particulier de ces comunautés (Antoine de Réaumur, Le Grand d'Aussy).
- Au XVIe siècle, Bartolomeo Scappi, cuisinier du pape Pie V pendant une trentaine d'années, signale dans son Opera di Scappi evoco secreto di papa Pio V (1570), l'existence dans la cuisine juive d'énormes foies gras rôti. Il évoque des foies de 3 à 4 livres ( soit de 981 g à 1 308 g, la livre romaine pesant 0,327 grammes ), très délicats à cuire et à maintenir sur la broche parce qu'ils fondent.
- Marx Rumpolt écrivit dans son livre de cuisine édité en 1581 : « j'ai roti le foie d'une oie que les juifs de Bohème engraissent, qui pesait un peu plus de trois livres. On peut en faire une purée ». S'il s'agit du même rôti que celui dont parle Bartolomeo Scappi, on a bien la preuve de l'homogénéité d'origine du foie gras et de son traitement dans la diaspora juive.
La diaspora juive alsacienne, au XVIème sc, met à sa table force pâtés de foies gras aromatisés de subtils mélanges d'épices (la recette que nous donnons ci-après met en oeuvre 16 épices).
Rappel à propos d'une faute de langage courrante et malheureuse : le terme pâté désigne toujours une préparation dans une pâte (à pain, brisée, feuilletée etc...), la préparation cuite seule s'appelant une terrine. Quant à "pâté en croute", c'est un pléonasme.
1600 : Olivier de Serres (Théâtre de l'agriculture et mesnage des champs), cite une tradition gasconne d'engraissage des oies.
1727 : La Varenne (Le Sieur de). (Nouveau Cuisinier François, ou l'École des ragouts). Edition de Lyon, Duplain, 1727. Cet ouvrage a été souvent ré-édité. Plusieurs recettes de foies gras d'oies.
1750 : la recette du « pâté » de Périgueux est dévoilée dans l'ouvrage de Briand : Dictionnaire des Alimens, vins et liqueurs, leurs qualités, leurs effets relativement aux différens âges, & aux differens temperamens. Avec la maniere de les apprêter ancienne et moderne... Par M. C.D., chef de cuisine de M. le Prince de ***. Paris, Gissey et Bordelet, 1750, 3 volumes.
Toutefois l'essort du foie gras en tant que produit de luxe date de l'embauche, vers fin 1778, par le maréchal de Contades, alors gouverneur militaire d'Alsace depuis 1762, d'un tout jeune (21 ans) cuisinier lorrain nommé Jean-Pierre Clause qui deviendra son 1er de cuisine et sera admis dans la corporation des pâtissiers un peu plus tard, en 1784. (Clausse serait venu à Strasbourg pour travailler avec son frère ainé installé en tant que pâtissier et c'est à la suite de la mort de ce dernier, le 25 septembre 1778, qu'il est entré au service de Contades). Clause resta au service de Contades jusque vers début 1784 puis épouse, le 10 février 1784, Marie-Anne Maring, veuve d'un certain Jean-François Mathieu, pâtissier tenant boutique au 3 Marché-aux-Chevaux (rebatisé 18 rue de la Mésange puis, aujourd'hui, 15 de la même rue (actuellement boutique à l'enseigne de la Bijouterie Holl). Il passe dans la foulée sa maîtrise et est inscrit le 28 février 1784 à la «Tribu des pâtissiers».
C'est de cette boutique qu'est né le premier commerce de foie gras qui, jusqu'alors, invention de Clausse pour Contades, était réservée uniquement à la table du maréchal.
Les circonstances de l'invention seraient les suivantes : Contades confie à Clause le soin de réaliser un dîner pour des hôtes français de "marques" et souhaite ne point voir sur sa table du lapin aux nouilles et les éternels knepfs (spätzel) alsaciens. Après une nuit d'insomnie, Clause a l'ingénieuse idée de confectionner une croûte de caisse ronde qu'il bourre de foies gras entiers complétés d'une farce de veau et de lard finement haché. Il vient de créer le Pâté à la Contades . Ceci se situe donc, par la force des choses, entre le 26 septembre 1778 et courrant 1784. 1780 est couramment avancé. On ne connait pas la date exacte à laquelle il quitte Contades pour s'installer dans la boutique de sa femme.
D'invitations en ambassades ce pâté à la Contades à un gros succès à la table de Louis XVI à Versailles et devient donc un met royal. Le foie gras alsacien se retrouve donc aux meilleure tables de France. Il est probable que Clause, alors tout jeune cuisinier avec une soif d'apprendre, puisque 4 ans plus tard il passe son examen et est admis comme pâtisssier, exhume et améliore une recette locale ancienne.
10 ans plus tard, juste après la révolution, en 1790, ce serait l'ancien cuisinier du président du parlement de Bordeaux, Nicolas Doyen qui, installé à Strasbourg, serait responsable de l'introduction de la truffe dans le foie gras (une complète hérésie à mon sens où 2 des meilleurs produits de la table se tuent mutuellement et dont la sélection actuelle se fait par le prix qui donne aux pauvres sans palais, une fois l'an, illusion, dans une miséreuse et dispendieuse mise en scène grotesque).
Puis il y a une accélération de l'histoire du foie gras alsacien.
Sous l'empire, Philippe-Edouard Artzner s'installe en 1803 et Muller en 1811, tous deux à Strasbourg. Les foies gras d'oies de Strasbourg et de canards de Toulouse ont alors égale notoriété d'après les écrits de Grimod de la Reynière (Manuel des amphitryons - 1808).
Durant la restauration et la monarchie de juillet, pas moins de 13 nouvelles maisons s'installent entre 1827 et 1846. La suprématie du foie gras d'oie de Strasbourg devient sans partage. Brillat-Savarin, dans sa Physiologie du goût (1826), ne cite que le foie gras de Strasbourg. Puis Borel dans son Nouveau dictionnaire de cuisine et d'office en fait un panégérique. Les maisons exportent vers Paris par la malle-poste.
Durant le second Empire, encore 13 nouveaux fabricants à Strasbourg.
Et puis c'est l'invention et la généralisation de l'appertisation et l'entrée dans l'ère industrielle avec, non plus des pâtés mais des terrines et des boîtes, oeuvres maintenant de 60 producteurs qui profitent de ces nouvelles conditions de conservation pour exporter plus et plus loin. |
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Oie ou canard ?
Le foie gras d'oie a une saveur plus fine et délicate qui lui a fait avoir la préférence des gourmets durant longtemps. Aujourd'hui le foie gras de canard, avec son côté plus rustique, plus goûteux aussi, et moins disant, trouve un très grand écho dans le public (orchestré en partie par les producteurs du Sud-Ouest de la France n'arrivant pas à contrer la suprématie des foies gras d'oie d'Alsace dont le savoir faire des hommes, au niveau de la transformation des foies gras d'oies en terrines (mélanges d'épices, cuisson ...) est imbatable.
Les appellations :
- Appellations des foies gras cuits
L'étiquette doit obligatoirement mentionner la dénomination légale du produit qui correspond à des normes de fabrication bien précises. On y trouvera aussi la DLC. Seuls les produits contenant 100 % de foie gras peuvent porter la mention FOIE GRAS, qu'ils soient d'oie ou de canard.
- Foie gras entier : préparation composée d'un ou plusieurs lobes de foie gras entier(s). S'ils y en a plusieurs, ils sont moulés entre eux.
- Foie gras : préparation composée de morceaux de lobes de foie gras agglomérés entre eux.
- Bloc de foie gras : préparation composée de foie gras reconstitué (purée) pouvant contenir des morceaux un certain % de morceaux.
- Appellations des foies gras crus.
- Extra
- 1er choix
- Tout venant
A quel momment et comment servir le foie gras ?
En début de repas, lorsque le palais est encore vierge, permettant d'apprécier le Foie Gras à sa juste valeur. On évitera de le marier à l'acidité d'une salade ou tout autre accompagnement. Il est inutile de servir du foie gras à un fumeur (ni quoi que ce soit d'ailleurs car il n'a plus de palais).
- Quels que soient les modes de cuisson, le foie gras doit être tenu au frais entre +2°C et +4°C avant dégustation.
- Ne jamais le placer au congélateur.
- Pour obtenir une tranche franche et nette, utiliser un mince fil métallique ou tremper la lame d'un couteau dans de l'eau chaude en renouvelant l'opération entre chaque coupe.
- Compter environ 40 à 60 g par personne.
- Le sortir du réfrigérateur un bon quart d'heure avant consommation. Il doit se détendre et fondre dans la bouche entre langue et palais, sans être mâché.
- Pour que vous soyez plus disponible auprès de vos invités, les asiettes peuvent être dressées à l'avance (assiettes plates filmée, le film touchant la surface du foie gras).Evitez les recommandations du genre couverture de gelée, surtout au madère. Réserver au frais et sortir un bon quart d'heure avant consommation.
Comment déguster un foie gras
- Le foie gras ne se tartine surtout pas. Honte au malheureux qui commet un tel sacrilège. Donnez lui une bête terrine de campagne.
- Il se déguste avec une fourchette à entremet (fourchette à gâteau avec un côté pseudo tranchant) sans utiliser de couteau.
- Le sortir du réfrigérateur un bon quart d'heure avant consommation. Il doit se détendre et fondre dans la bouche entre langue et palais, sans être mâché.
- Pour le vin, tout est affaire de goût, mais ne pas trop s'éloigner de :
- Vins liquoreux ou de vendanges tardives
- Alsace Tokay Pinot Gris.
- Bordeaux rouge grands crus (Saint-Estèphe, Saint-Emilion,...).
- Champagne pour un air de fête.
- Le foie gras peut être consommé sans modération (hors celle du portefeuile). Ses graisses contiennent une proportion importante d'acides gras mono-insaturés protégeant le système cardio-vasculaire. Mais sachons raison garder.
Délais de conservation des foies gras cuits
Fonction de la température au coeur du produit lors de la cuisson. Donc, entre les 3 types de foie gras et les 3 types de cuisson / conservation plus les foies gras crus, on décline 10 combinaisons, sachant que le type de cuisson choisi influe énormément sur les qualités organoleptiques du produit fini.
On trouve donc:
- Foies gras crus
- Foies gras entiers
- frais
- semi-conserves
- conserve
- Foies gras
- frais
- semi-conserves
- conserve
- Blocs de foies gras
- frais
- semi-conserves
- conserve
- Foie gras cru
Texture souple et onctueuse au toucher (difficile à juger lorsqu'ils sont très froids chez le marchand). Aucune granulosité ni tache. Couleur crème pâle (ni jaune, ni rose). Poids entre 450 et 700 g pour un foie d'oie et de 400 à 550 g pour un foie de canard. Les foies crus peuvent se conserver environ 8 jours au réfrigérateur sous emballage ou sous vide. Il faut savoir qu'un foie gras cru doit être travaillé le plus tôt possible après l'abattage de l'animal. Le jour même si possible. Plus les jours passent et plus il fond à la cuisson. Il doit être prélevé à chaud, c'est-à-dire retiré du corps de l'animal immédiatement après l'abattage.
- Foies gras frais (Foies gras entiers, Foies gras ou Blocs de foies gras)
Ils peuvent se garder jusqu'à trois semaines au réfrigérateur (+2°C à +4°C). Les foies gras frais, après avoir été dénervés, salés et épicés, sont mis à cuire (dans un moule, en croûte, au torchon, en terrine, sous vide...) au bain-marie. Ces produits, subissant un faible traitement thermique, développent toutes leurs saveurs mais, surtout pour les "mi-cuit", la température de cuisson est idéale pour la prolifération bactérienne donc déployer des trésors d'hygienne à l'élaboration et consommer les "mi-cuit" dans les 8 jours.
- Foies gras en semi-conserve (Foies gras entiers, Foies gras ou Blocs de foies gras)
Disponibles en bocal, boîte ou barquette, ils ont un délais de conservation de 9 mois impérativement entre +2°C et +4°C. C'est le mode de préparation qui concilie au mieux conservation et goût.
- Foies gras en conserve (Foies gras entiers, Foies gras ou Blocs de foies gras)
Le délai de conservation est relativement long : 4 ans. Ces produits s'améliorent en vieillissant : ne pas consommer avant une année après la date d'élaboration. C'est pratique, se stocke dans une pièce fraîche et sèche sans avoir besoin de chambre froide (réfrigérateur). Il existe une assez grande variété de présentations et conditionnements mais, par exemple, les conserves en bocaux verre, flateuses sur des lobes entiers, donnent des produits désagréables à consommer (foies secs).
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