Le pot-au-feu est un plat convivial et national qui semble poser beaucoup de problèmes aux divers auteurs. La plupart des recettes données sont fantaisistes. Plat plutôt de saison froide, et archétype de la cuisine à feu doux, de grande simplicité de préparation avec des produits simples pour un service simple, il peut, quelquefois, prendre des allures « bourgeoises ».
Le pot-au-feu se compose de quatre parties : un bouillon (qui est, en fait, un consommé), des viandes exclusivement de boeuf, des légumes et des os à moelle.
Le bouillon :
Le terme exact est « consommé ». C'est une eau parfumée par les viandes, les légumes et une garniture aromatique. On doit obtenir un bouillon limpide est légèrement ambré.
- Refroidi, il se laissera totalement dégraisser. Pour cela, retirer les viandes et légumes et laissez-le refroidir une nuit en chambre froide ou, en hiver, sur le balcon. Vous retirerez d'un bloc 100% de la graisse qui aurra figé en surface.
- Passé au chinois-étamine il fera un merveilleux bouillon clair qui accueillera heureusement des petites pâtes genre vermicelles ou cheveux d'anges voire même des barbes de poireaux.
- Il peut servir de fond pour démarrer une autre cuisson, par exemple un boeuf à la ficelle.
- Il peut aussi être collé à la feuille de gélatine ou au pied de veau pour enrober des viandes froides dans une gelée parfumée (idée terrine avec les restes de viandes et / ou la queue de boeuf).
- Il peut servir de base pour diverses sauces.
- On peut le congeler sans hésitation.
- On peu faire "chabrot" avec ses invités ou en cachette, le lendemain.
Les viandes :
Elles sont exclusivement de boeuf. Les ajouts fait par certains font hurler à l'inadmissible hérésie les puristes. on trouve, selon les régions, l'une ou plusieurs des "déviations" suivantes :
- une poule
- une poularde
- un saucisson à cuire
- une saucisse de Morteau (fumée)
- une langue de veau
- un jarret de veau
- du porc 1/2 sel blanchi
- de l'épaule de mouton ou d'agneau
- du gigot de mouton ou d'agneau
- de la dinde
- une canne
- du confit d'oie
- un cervelas truffé
- etc....
Les viandes pour un pot-au-feu doivent être extrêmement fraîches (abattage récent) c'est-à-dire que les viandes doivent être brillantes et humides contrairement aux viandes que l'on souhaite griller (par exemple), qui, elles, doivent ressuer et vieillir un petit peu (rancir). Si vous entretenez de bonnes relations avec votre boucher, essayez de savoir lorsqu'il fait entrer une carcasse de vache de réforme, commandez d'avance et réservez et précipitez-vous chez lui à l'arrivage.
C'est ici qu'intervient la fameuse polémique entre le démarrage à froid et le démarrage à chaud. Nous allons régler et fixer le problème :
- Le démarrage à froid va favoriser la sapidité du bouillon au détriment des viandes qui vont voir leurs éléments sapides se diffuser dans le bouillon, ce que Brillat-Savarin, dans sa physiologie du goût, développe dans une théorie appelée « osmazôme » et qui est aussi et maintenant dite « cuisson par extraction des saveurs ».
- Le démarrage à chaud va favoriser la sapidité des viandes qui vont être saisies. Leurs éléments sapides deviennent alors protégés (prisonniers) par la coagulation rapide des matières albuminoïdes en surface des morceaux de viande. On parle de « cuisson par concentration des saveurs ».
- Pour mettre d'accord les 2 écoles, on optera pour une solution intermédiaire : démarrer à froid la cuisson des viandes « goûteuses » qui ne sont pas heureuses au service (et finiront dans un hachis Parmentier, l'obligé suiveur de tout pot-au-feu) mais donnent du goût au bouillon puis, deux heures plus tard, ajoutez dans le bouillon bouillant les viandes qui seront présentées et poursuivre la cuisson encore deux heures.
Une viande qui donnera beaucoup de goût au bouillon est le jarret de boeuf. Compter un jarret par tranche de trois litres d'eau et essayer de vous fournir auprès d'un boucher détaillant auquel vous demanderez un jarret avec nourrice et crosse (c'est-à-dire l'articulation et le manche). La cuisson de ce morceau se fera départ à froid.
Les viandes qui seront présentées à table doivent être en quantités généreuses (un pot-au-feu peut se faire pour plusieurs jours). Il se bonifie avec les réchauffements successifs. Enfin il doit retourner des viandes en cuisine sinon avec quoi ferions-nous l'éternel successeur, le hachis Parmentier). Les viandes du service d'un pot-au-feu se divisent en deux : les viandes semi-grasses (c'est le cas du plat de côtes), et les morceaux maigres gélatineux. Il en faut des deux.
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Morceaux semi-gras : l'un des meilleurs morceaux est le plat de côtes, entrelardé de graisses. Le nec plus ultra est le plat de côtes découvert, morceaux plus maigres que le plat de côte couvert (le seul que l'on trouve habituellement). Toutefois il y en a peu par carcasse de boeuf et il convient donc de le commander à l'avance. Une fois sciés, les morceaux de plat de côtes doivent être ficelés deux par deux, chair à l'intérieur, os à l'extérieur. La cuisson du plat de côtes peut se faire départ à chaud.
Morceaux maigres et gélatineux : la divine trinité fondante en bouche du pot-au-feu s'appèle gîte-gîte macreuse et jumeau (selon les appellations parisiennes de découpe de la viande).
- Le gîte-gîte est une découpe du jarret (quatre par animal, situé sur les pattes avant et arrière). Il ne doit pas être confondu avec le gîte à la noix, bas morceaux de la cuisse destinés aux steaks hachés industriels (le haché supérieur se faisant dans un coeur de rumsteck).
- La macreuse est un morceau situé au coeur de l'épaule et quelquefois appelée paleron par erreur, le paleron étant une pièce de boucherie comprenant l'épaule et le collier.
- Le jumeau est un morceau se trouvant dans le paleron à côté de la macreuse. Il ne doit pas être confondu avec le jumeau à bifteck.
On peut ajouter à ces trois morceaux de base, d'autres morceaux bienvenus dans un bon pot-au-feu:
- un morceau gélatineux comportant une veine grasse, pour amateurs de pot-au-feu avertis : le collier.
- un morceau très délicat qui a toute sa place dans un pot-au-feu : la joue de boeuf. Ce morceau est malheureusement difficile à trouver sur les étals et est ignoré du consommateur.
- un morceau qui ne se trouve plus aussi facilement qu'avant et qui donne énormément de goût au bouillon : la queue de boeuf. Tronçonnée en suivant ses segments, elle doit être mise à dégorger la veille a l'eau froide.
- pour les puristes, on ajoutera une rate de boeuf (ou de veau) qui renforcera la belle couleur ambrée que doit prendre le consommé. Après cuisson le chat de la voisine saura quoi en faire.
Les légumes d'accompagnement :
Les légumes du pot-au-feu sont le triumvirat "carottes, navets, poireaux". On les choisira calibrés, c'est-à-dire de taille identique, afin d'assurer une cuisson homogène. On les conservera en sacs papier, type kraft, ou dans le bac à légumes du réfrigérateur, en vrac, mais jamais dans une poche en plastique.
Accessoirement, on peut ajouter des pommes de terre qui doivent, à ce moment-là, être impérativement cuites séparément.
Le céleri branche peut être admis, outre discrètement dans le bouquet garni, en infimes quantités (une branche tronçonnée) sinon il masque immédiatement toutes les saveurs des autres viandes et légumes.
On admet les panais (de Guernesey).
On rejettera le céleri rave et le chou qui n'ont rien à faire ici. Pour les irréductibles du chou on utilisera le chou vert qui sera cuisiné entier est présenté coupé en tranches. Il sera alors impérativement cuit séparément, soit à la vapeur, soit à l'anglaise (dans de l'eau salée) et l'on prendra toujours soin d'ajouter 1 pincée de bicarbonate de soude dans son eau de cuisson afin de se prémunire contre son aspect carminatif.
Il est d'autres légumes d'accompagnement qui, eux, ne posent pas de problèmes : se sont les condiments présentés au moment du service tels les cornichons au vinaigre, les oignons au vinaigre, pickles, achards, piccalilli, et même cerises au vinaigre etc. ...
Les os à moelle :
C'est une friandise et certains se damneraient pour en avoir. Les grandes surfaces n'en ont quasiment jamais (et les vendent chers) et votre boucher en est avare (mais il vous les donne... enfin, il fut une époque où il vous les donnait, avec le persil, comme le poissonnier vous donnait le persil et le citron... tout cela se perd - est perdu). Faites-les scier en tronçons de 3 à 4 cm et prévoyez-en un au moins par convive (et 2 pour moi).
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